SANGS MELES

 

Je suis de sangs mêlés.

En moi se sont croisés

Brumes du levant,

Tempêtes du couchant,

Vent glacé de la steppe,

Vagues de l'océan.

 

Je suis le fruit de l'amour

De la nuit et du jour

Unis dans la fusion

De  la ligne d'horizon.

 

Je suis de sangs mêlés.

Ni d'ici,

Ni d'ailleurs.

 

Je suis de tous les points

Qui forment cette Terre,

Elle et moi,

 

Enfants de l'Univers.

 

Je suis de sangs mêlés

Sous le soleil levant

Ou celui du couchant.



 

 

LE VENT

 

Le vent,

Je ne le vois pas,

Je le sais.

 

Je le sais 

Par ses caresses sur ma peau

Qui adoucit la brûlure du soleil,

 

Je le sais

Par ces herbes folles

Qui dansent,

S’agitent, 

Se penchent,

Se couchent,

 

Je le sais

Par ces branches lourdes de verdure

Qui se balancent

Par le doux murmure

Ou le bruit assourdissant

De ces feuilles qui se caressent entre elles

 

Je le sais

Par l’ondulation,

Par les frissons de l’eau

 

Je le sais 

Par l’effluve de l’herbe coupée

Qui m’enivre

 

Je le sais 

Par le chant de l’oiseau

Qu’il transporte à mon oreille

Je le sais

 

Par cette injonction

Qu’il m’adresse :

"Tu ne me vois pas,

Mais, 

 

Tu le sais,

Je t’offre ma respiration

Respire, respire encore,

Vis".

 



MARCHER

 

Marcher dans la lande

le long des côtes déchiquetées,

S’asseoir,  ressentir soleil et vent mêlés dans une même danse

Caresser mon visage offert.

Respirer algues et goémons, fougères et fleurs sauvages

Ecouter, mouettes et goélands,

La musique de la vague qui se fracasse en écume blanche sur l’inébranlable roche

Ne plus rien voir autour qui ne soit déjà en moi.

 

Fermer les yeux et dans l’absence, ressentir toutes présences 



 

 

LE PEINTRE

     

 

 Ils étaient tous là, autour,

Et lui, seul comme au cœur d'une arène,

Homme, Artiste, il fallait qu'il me crée

Alors,

Pudiquement je me suis retournée,

Juste pour me protéger de vos regards curieux,

Juste pour tout sentir mais surtout ressentir.

 

Etre à lui, avec  lui

Avant que d’être à vous.

 

Me laisser dessiner, c’est me laisser toucher.

Ici, le laisser m’effleurer,

Là, le laisser appuyer

Au détour d'un sillon, au contour d'une courbe

Dans le creux de mes reins,

Savoir que je prends forme.

 

Je le sens s’éloigner, regarder, observer.

Revenir,

Sûr de lui.

 

J'accepte la caresse de l’outil qui façonne,

Donne vie à ma peau.

En couleurs, en nuances

 

Le temps est suspendu,

Je n’ai nulle impatience.

Geste après geste,

Mélange d’ombre et de  lumière,

Il installe ma vie,

Retient son souffle.

 

Je respire, enfin  pour  m’enivrer d’odeurs de saveurs et de bruits,

Pour aviver ce corps qui dit « tu es d’ici ».

 

 



MARAUDE

 

Il a l’âge d’être mon frère

Mais le paysage de son visage

Ressemble à celui qu’aurait eu mon père.

 

C’est la fin de l’été.

L’air est encore doux.

C’est vendredi soir,

Il fait déjà nuit.

 

Sous le pont de la coulée verte,

Sur un morceau de carton,

Il est assis par terre

Ses jambes,

Ses pieds amputés que  le froid a gelés,

Enroulés dans un maigre duvet.

 

A côté de lui,

Un petit chariot contient toute sa vie.

 

Il sait qu’ils vont arriver, alors,

Il les attend,

Ces hommes et ces femmes,

Bienveillants.

 

Les voici qui se dirigent vers lui,

Petit moment,

Cadeau précieux,

Doux comme l’air du temps.

 

Ses yeux pétillent,

Un sourire l’illumine.

 

Dans cette extrême misère,

Dieu que cet Homme est beau !

 

D’Humain à Humain,

Chacun lui tend la main ;

Quelques mots,

Des regards.

 

La soupe est chaude et le café brulant,

De l’eau, quelques victuailles,

Et, Ô suprême bonheur,

Une petite tarte garnie de jolis fruits.

 

Je reste auprès de lui

Il ne me connait pas,

Il me questionne,

Est-ce à cause de lui que je suis « gentille » ?

 

Non, je ne suis pas « gentille »,

J’espère juste être « humaine »

 

Son sourire s’élargit.

« D’habitude, je n’aime pas les blondes, mais toi, c’est pas pareil »

 

Cet Homme a touché mon âme.

Je sais pourquoi je me suis levée ce matin

Merci.

Il nous faut repartir,

D’autres nous attendent.

 

C’est la fin de l’été.

L’air est encore doux

Et ce n’est qu’un vendredi soir sur la terre.



 

NAUFRAGE

 

Qui est-il ?

De quelles couleurs nourrit-il sa vie ?

 

Il a banni celles de l’Arc en Ciel,

Le noir recouvre ses jours,

Le blanc habite ses nuits.

 

Parfois,

Furtive,

Une couleur cherche à s’accrocher à un souvenir.

 

Sur une fleur écarlate,

Un rayon d’or pose sa chaleur ;

Sur la terre brune,

Le blé aura germé 

Sous le bleu de l’immensité ;

 

Mais il a dû traverser ce vert,

Couleur de mer,

Tout à la fois

Couleur d’espoirs,

Couleur de désespoir.

 

C’est là que son Arc en Ciel

L’a abandonné.

 

Un jour, peut-être, le croiserez-vous,

Lui,

Ce Migrant,

Ce Déplacé,

Ce Déporté,

Cet Humain,

 

Qui jamais, au grand jamais,

Ne vous souhaitera,

Un jour,

De lui ressembler.



 

 

ASSISE

 

Assise face à ces empreintes sur ce grand mur blanc,

 

La fenêtre ouverte,

 

Elle capte toutes ces énergies matinales.

 

 

 

L’air doux la caresse,

 

Le végétal exalte ses premières effluves

 

Les oiseaux vocalisent

 

Les bruits de la ville sont encore discrets.

 

 

 

Ici et ailleurs elle est.

 

Heureuse et mélancolique.

 

Ici lui appartient, présent, vivant.

 

 

 

Ailleurs est un rêve incertain encore tellement lointain.